J'ai eu le plaisir d'introduire la journée de présentation de la réforme sur les grades légaux organisée par la Fédération des CPAS de Wallonie à Blegny ce 17 septembre. J'y ai présenté ma vision de cette réforme. Voici ma présentation :
Depuis le 1er septembre 2013, la réforme des grades légaux, qui a fait tant de bruit, a été effectivement appliquée. Je tiens à cet effet à être l’un des premiers à saluer l’ensemble des nouveaux Directeurs généraux et financiers présents dans la salle. Cette réforme a été entamée en 2006 par le Ministre des Affaires intérieures Philippe Courard. La voilà aujourd’hui aboutie avec la pugnacité du Ministre des Pouvoirs locaux Paul Furlan. Saluons le travail accompli par tous. A force de persévérance et de bonne volonté, la preuve est apportée qu’il est possible d’avancer. Remercions également le Ministre qui a bien voulu prendre en considération de nombreuses remarques et avis durant la « longue » période de préparation de ce décret.
Nouveaux grades – Nouvelles fonctions
On le sait désormais, les secrétaires et receveurs sont devenus respectivement "directeur général" et "directeur financier" mais ça ne s’arrête pas là. Cette réforme renforce l’idée qu’il revient aux élus de déterminer les axes politiques et à l’administration de les mettre en œuvre. Il est vrai que l’indépendance du Directeur général et celle du Directeur financier est la meilleure garantie de protection de l’action publique et un gage de saine gestion politique. En cela, la réforme clarifie les rôles respectifs et limite en définitive les empiétements de compétences qui de tous temps sont sources de conflits. Notre Fédération avait insisté pour maintenir une différenciation claire des fonctions de Directeur général et de Directeur financier ; ce qui a été réalisé. En outre, et c'est un aspect non sans importance pour ces derniers, leur responsabilité pécuniaire et patrimoniale personnelle est abandonnée.
De la généralisation de bonnes pratiques déjà existantes
La réforme apporte également un certains nombre de bonnes pratiques, qui sont déjà mises en place dans pas mal de CPAS. Dans un CPAS comme celui Liège, un certain nombre d’éléments de cette réforme ont été mis sur pied depuis un certain temps déjà à la satisfaction de tous : comité de direction depuis 2 ans et demi, plan stratégique depuis 6 mois,… Ce ne sera dès lors pas une grande révolution. Ce sont plutôt les CPAS qui n'ont pas embrayé dans la mécanique de modernisation de gestion qui verront leur pratique quotidienne quelque peu bouleversée par cette réforme. Partout où le triangle président - secrétaire – receveur fonctionnait déjà bien, la réforme n'apportera pas grand changement.
Le Comité de direction
La notion de Comité de direction met en avant les valeurs d’esprit d’équipe, de solidarité et de collégialité. Le Comité de direction a vocation de se concerter sur « toutes les questions relatives à l’organisation et au fonctionnement des services. » : contrat d’objectifs, mobilité du personnel, avant-projets de budget, projets d'organigramme, de cadre organique, de statuts du personnel...
Les réunions conjointes des Comités de direction commune - CPAS
Un autre élément apporté par la réforme est qu'il fixe l'obligation de tenir des réunions conjointes entre les comités de direction des communes et des CPAS au moins 2 fois par an. Nous espérons que ces réunions conjointes permettront que les contacts entre les responsables des administrations des communes et CPAS puissent être facilités, et que, de celles-ci, puissent naître synergies et décloisonnements. Ces rencontres devront à mon sens respecter à la fois l’autonomie des CPAS et à la fois de nouvelles pistes de synergies et d’économies d’échelle car il n’y a pas antagonisme mais complémentarité entre les deux. L’avant-projet du budget Le fait que ce soit le Comité de direction qui réalise l’avant-projet de budget est une réelle avancée car cela permet de réaliser une proposition budgétaire concertée et portée par l’ensemble des services de l’administration sous la coordination du Directeur Général. Concernant la responsabilité des avant-projets de budget ou de modification(s) budgétaire(s), partant du principe que ce qui n’est pas interdit est permis, rien n’empêche les CPAS de confier au Directeur général la réalisation de l’avant-projet de budget en articulation avec le Directeur financier. La formulation précédente de la loi en ce qu’elle confiait explicitement cette mission au Secrétaire avait du sens. Gardons-le.
Le Plan stratégique
Si le Plan Stratégique communal est un outil intéressant, il doit l’être aussi pour les CPAS. En tant que partenaire privilégié de la commune, le CPAS doit être en mesure de construire ses propres objectifs, structurés autour de ses axes politiques, de ses missions particulières et ce en veillant à une certaine articulation, cohérence, complémentarité avec l’action communale. Il faut ne pas perdre de vue que les CPAS sont trop souvent confrontés, en cours d’année, à de nouvelles missions obligatoires, sans prise directe réelle sur ces politiques ni sur les moyens nécessaires. La question de l’adéquation entre objectifs et moyens risque d’être dans ce contexte souvent remise sur la table… Cela ne facilitera pas le respect d’objectifs à atteindre et cela risque de peser lourdement sur les choix managériaux des CPAS. Ne nous trompons pas de responsables de ces transferts de charges (exclusion du chômage, dégressivité des allocations, demandeurs d’asile, etc.) ; ceux-ci sont identifiables et identifiés. Les objectifs qui y seront formulés devront rencontrer les qualités suivantes : Spécifiques, Mesurables, Acceptables et acceptés, Réalistes et réalisables, Temporellement définsi/limités. Le souhait de mettre en cohérence les objectifs politiques et les actions de l’administration doit être salué ; même si l’exercice peut sembler difficile, surtout la première fois.
Le Directeur financier
La volonté du Ministre et du Parlement a été de favoriser le contrôle interne et l’indépendance du Directeur financier. Fort bien : mieux vaut en ces matières prévenir que guérir (et parfois sanctionner). Notre Fédération demandait que son avis de légalité sur les décisions ayant une incidence financière ne concerne pas les décisions d’aide sociale qui ne peuvent souffrir d’aucun retard. En cela, le texte y répond favorablement tant pour les décisions relatives à l’aide sociale que pour les recrutements urgents, ceux liés à des missions spécifiques, les articles 60, etc. Remarquons que le Directeur financier est placé sous l’autorité du Bureau permanent pour ce qui concerne la comptabilité et le compte annuel. Auparavant, la loi précisait que le Receveur exerçait ses fonctions sous l’autorité du Président. Tel n’est plus le cas, renforçant comme annoncé son indépendance.
Le Directeur général
A propos des missions des Directeurs généraux, diverses modifications sont intervenues Pour pouvoir désigner un Directeur général adjoint, le plancher de 60.000 habitants est ramené à 10.000 habitants. Il est vrai que pour certains CPAS, il est concevable d’adjoindre au Directeur général, un collaborateur direct. Cette possibilité est moins compréhensible dans des CPAS dont le volume d’activité est plus réduit. Cela peut occasionner un coût supplémentaire pour les CPAS. S’agissant d’une possibilité, chacun sait ce qu’il a à faire (ou ne pas faire)… Nous pouvons regretter que les textes ne laissent pas la possibilité d’engager un Directeur financier adjoint, au-delà d’une certaine taille de l’institution. Rappelons-nous qu’au début des débats sur cette réforme, il fût question de la mise sur pied d’un régime de mandat pour les grades légaux, qui heureusement n’a pas été retenu. Tant il est vrai que ce régime s’accorde difficilement de l’indispensable indépendance dont doivent bénéficier les hauts responsables des administrations locales.
Le contrat d'objectif
En contrepartie, leurs prestations feront l’objet d’une évaluation régulière qui pourra avoir des conséquences tant positives (bonification financière) que négatives (après deux évaluations défavorables successives, licenciement possible pour inaptitude professionnelle). Cet axe majeur de la réforme a suscité beaucoup de réserves et de questions. Il faut signaler ici que d’aucuns ont manifesté la crainte que cette évaluation ne donne lieu à des « décisions politiques » à leur détriment. Il faut dire, par contre, qu’il n’y avait aucune raison objective pour que cette évaluation ne les concerne pas, une administration de l’importance sociale d’un CPAS ne pouvant se permettre d’avoir des responsables de cette importance qui n’auraient pas (plus) le niveau. Le contrat d'objectifs permettra dès lors de clarifier les tâches dévolues à chacun, tout autant que la mise en pratique de celles-ci, au sein de l'administration et d'identifier les moyens et ressources nécessaires à la réalisation des objectifs politiques définis par le Conseil de l'Action sociale. Sa mise en oeuvre sera l'un des éléments primordiaux de l'évaluation de ce deux « managers » publics que sont directeur général et directeur financier. En sachant que cette réforme globalement est le fruit de nombreux compromis des uns et des autres et que pour longtemps certaines dispositions susciteront des (in)satisfactions selon les parties respectives. Dans cette réforme, la volonté du Ministre a été d’assurer l’égalité des règles entre les provinces, les communes et les CPAS. Les personnes qui travaillent depuis quelques années dans les pouvoirs locaux savent par expérience qu’un Bureau permanent n’est pas un Collège communal et encore moins provincial, et inversement. La préoccupation légitime du Ministre va dès lors donner à certains organes ou acteurs un rôle nouveau complété ou revu. C’est le prix/avantage d’une réforme globale qui se veut équilibrée et égalitaire.
Conclusions
On le constate, cette réforme contient beaucoup d’éléments nouveaux. Quoique, nombre d’entre eux sont déjà depuis un temps certain mis en œuvre dans des CPAS plus avant-gardistes. Globalement, il est clair que ce texte et ses arrêtés d’exécution vont demander à l’ensemble des acteurs de revoir leurs habitudes, d’intégrer dans leur organisation et leur fonctionnement ces nouveautés, de veiller à ce que la résistance au changement ne soit plus que théorique. Certes, comme toute nouveauté, cette réforme devra « faire sa maladie ». Si l’ensemble des acteurs accueille ses changements de manière constructive, l’institution en sera gagnante, plus encore le citoyen qui la fréquente. La réforme tente donc, avec raison me semble-t-il, d'insister sur le savoir être et le savoir-faire ensemble » des responsables des administrations locales. Nous verrons à l'usage dans quelle mesure une réglementation peut faciliter la transversalité, la collégialité et la concertation entre ceux-ci.
Claude EMONTS.