Bienvenue sur mon blog !

Au quotidien, je vous ferai part de mes réactions, de mes actualités, de mes photos, ...
A force de trop parler de crise, d'équilibre budgétaire et d'économies, on risque d'oublier les valeurs qui sous-tendent, tant nos ayants droits, que nos travailleurs ou nos décideurs politiques. Bref ne met-on pas en péril tout notre modèle de société? Mais c'est peut-être le but de certains.

lundi 14 mai 2012

Dégressivité des allocations de chômage : communalisation de la pauvreté et création d’une sous-catégorie de sous-emplois ?

Bien que l’on puisse comprendre la volonté du gouvernement à vouloir baisser le chômage, il faut s’attaquer au problème, pas à la conséquence.  Aux causes, non aux statistiques…

On est tous d’accord avec le fait qu’il faut créer un différentiel plus grand entre revenu de remplacement et revenu du travail. Mais ce n’est pas en diminuant l’allocation de chômage que l’on doit y parvenir mais, au contraire, en augmentant le niveau de salaire minimum.  C’est la Fédération des CPAS qui, en premier et il y a longtemps déjà, a dénoncé ce mécanisme. Sans grand effet, ceci dit.
Or quel est le discours à la mode dans de nombreux cercles ? Le chômage est trop élevé, diminuons donc les allocations et le problème se résoudra seul… Car s’il y a de nombreux emplois non pourvus et trop peu de candidats, c’est donc que les chômeurs ne veulent pas travailler, cqfd.
Outre qu’il est peu évident qu’une personne disposant par exemple du certificat d’étude secondaires inférieures puisse occuper un poste d’informaticien, il convient aussi de parler du niveau des salaires… Et le bruit des cercles informés de répercuter « Nous coûtons trop cher par rapport à nos voisins : pitié pour notre compétitivité »…
Or que gagnent donc les « gros salaires » de ces travailleurs si chers ?  1100 euros ?  1200 ? 1300 quand ils ont de la chance…
Bien entendu, si l’on se réfère aux « emplois chômeurs » à 1 euro l’heure de certains programmes d’emploi chez des voisins, c’est cher, il faut l’avouer…
Mais faut-il craindre qu’il s’agisse là d’un objectif non avoué ?  Et qu’à côté des PTP, SINE, art.  60 ou 61, ces dispositifs à bas coût pour l’employeur et fondamentalement temporaires, soit relancé le thème du bénévolat (pas celui de la solidarité, celui qui prend la place de l’emploi rémunéré), ou que l’on plaide pour des mesures telles que celles qu’a connues l’Allemagne, si souvent citée en exemple

En tant que président de CPAS, je suis souvent interrogé sur les conséquences des fameuses mesures de dégressivité des allocations de chômage sur nos finances locales…
Et je réponds toujours, qu’inversement à ce que certains croient, les conséquences seront faibles… au début…
Pourquoi ?  Parce que simplement et très vite, ce seront les femmes co-habitantes qui seront les premières victimes de ces mesures… En effet, elles seront exclues en premier lieu et leur conjoint bénéficiant par exemple d’un plantureux salaire de 1.300 euros par mois, elles n’auront pas droit au revenu d’intégration car le couple dépassera le plafond admissible…
Certes, nous verrons le couple demander des aides complémentaires (énergie, soins de santé…), mais ils n’apparaîtront pas dans les statistiques du Revenu d’intégration… sauf dans celles des services de médiation de dette…
Et les autres, me direz-vous ? Ils viendront ensuite sans bruit, les femmes seules avec enfant, suivies des jeunes sans diplôme, puis des travailleurs des secteurs en déclin et ainsi de suite…
Ensuite les CPAS continueront à courber l’échine sous les tâches toujours plus lourdes et le mépris, voire les insultes de certains (voir à ce propos les forums de discussion sur les sites internet des médias), pendant que, petit à petit, les chômeurs seront exclus ou sanctionnés et les communes paieront ce que l’Etat épargnera…

Et enfin, on pourra dans l’allégresse vanter la baisse du chômage…



Petite explication chiffrée :

A partir du 1er juillet 2012, la dégressivité du chômage sera renforcée. Les montants minimum, atteints à partir de la 3ème année de chômage vont diminuer alors que les allocations seront plus élevées dans les premiers mois.

Avec la réforme, les niveaux planchers du montant de l’allocation de chômage seront :
-         de  483,86 € pour un cohabitant (pas de diminution par rapport à la situation actuelle),
-         de 916,24 €, pour un isolé, soit une diminution de 194,74 €  ( - 17%), et
-         de 1090,7 € pour un chef de ménage, soit une diminution de 148,2 €  (- 11%).

Répercussions sur le CPAS

La dégressivité du chômage risque d’avoir des répercussions importantes sur les CPAS. Heureusement (pour l’instant ?), le niveau le plus bas des allocations de chômage restera supérieur au montant du revenu d’intégration sociale : 
-         un isolé au chômage recevra 130, 63 € de plus qu’un bénéficiaire du revenu d’intégration sociale ,
-         un chef de famille au chômage recevra 130,63 € de plus qu’un bénéficiaire du revenu d’intégration sociale ,
-         un cohabitant au chômage recevra 39,88 € de moins qu’un bénéficiaire du revenu d’intégration sociale.

En principe, donc, le régime d’assurance-chômage restera du ressort fédéral et sera réformé pour encourager la remise au travail, tout en veillant à éviter un basculement des charges vers les CPAS. 
Mais la diminution du niveau des allocations de chômage, on l’a vu avoisine dangereusement  le montant du revenu d’intégration sociale. Et si les chômeurs perdent de 148 €  à 198 € par mois pour un revenu qui est déjà bas, les demandes d’aides complémentaires pour le logement,  le chauffage, les frais scolaires ou le complément alimentaire (pour ne citer que ceux-là), risquent d’augmenter considérablement. Il risque donc d’y avoir un report indirect des charges vers les CPAS.

La Fédération des CPAS de Wallonie estime déjà que 30 à 40% des bénéficiaires du revenu d’intégration sociale bénéficient d’aides sociales complémentaires. 
Etant donné qu’on annonce 15 à 20.000 chômeurs concernés par la mesure, cela signifie qu’on peut s’attendre à terme à avoir entre 5000 et 8000 bénéficiaires d’aides sociales complémentaires en plus dans les CPAS. 

Il est clair que cette mesure aura des conséquences sur le travail et les finances des CPAS et ce, d’autant plus lorsque la situation économique de la sous-région est difficile. Rappelons que les pouvoirs locaux doivent, selon le type d’aide sociale octroyé, décaisser sur fonds propres de 35 à 50 % des sommes allouées aux personnes concernées.

Il faut se souvenir que les CPAS subissent déjà les conséquences du plan d’accompagnement des chômeurs, mis en place il y a plusieurs années par l’Etat fédéral. Des chômeurs exclus de l’ONEM, peu scolarisés (1/3 d’entre-eux sont en-dessous du niveau secondaire inférieur) viennent grossir les rangs des personnes aidées par les CPAS.

 En 2011, les CPAS avaient reçu 14.200 chômeurs exclus de l’ONEM, dont 5255 rien que sur le mois d’octobre 2011.

De la même manière que pour les exclusions-chômage,  plus la commune aura un taux de chômage important, plus les conséquences  de la dégressivité du chômage sur les finances communales risqueront d’être lourdes.
A quand des statistiques de chômage mises en regard avec le taux de bénéficiaires du revenu d’Intégration et de l’Aide Sociale ? ? ?


La dégressivité du chômage : une fausse bonne idée !

 Le seuil de pauvreté en Belgique, pour un isolé est de 973 €/mois.  Que ce soit au chômage ou revenu d’intégration sociale,  on est déjà en dessous.

Perdre 11 à 18% d’un revenu qui est déjà bas ne passera pas inaperçu dans les budgets des ménages concernés, qui n’arriveront plus à joindre les deux bouts sans faire appel à des aides complémentaires (alimentaires, médiation de dettes,…).

Les femmes sans emploi avec enfants à charge risquent d’être fortement touchées par la mesure. Perdre 148 €/mois, quand on a des enfants, c’est exorbitant ! Pour ce type de personnes, les difficultés de trouver un travail vu les contraintes familiales ne peuvent être niées.  

Il ne faut pas nier non plus le coût de l’emploi : trouver un travail coûte énormément aux chercheurs d’emploi, que ce soit en temps, en mobilisation ou en argent (déplacements, courriers,…). Réduire les allocations, c’est réduire les ressources des demandeurs d’emploi et favoriser leur exclusion sociale.

Les emplois à temps partiel ou en intérim seront plus vite acceptés par les demandeurs d’emploi, ce qui peut être considéré comme une bonne chose mais qui pourrait entraîner une multiplication de la demande de contrats précaires de la part des travailleurs afin d’échapper à la mesure et une précarisation globale de l’emploi.

Claude EMONTS
Président du CPAS de Liège.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire