Le 18/06/12, lesoir.be publiait une carte blanche de Corentin DE SALLE : http://www.lesoir.be/debats/cartes_blanches/2012-06-18/une-population-devitalisee-922133.php )
Voici ma réponse :
Mon dentiste disait qu’il y a des dents dévitalisées… Soit sans vie. Exprimé autrement, mortes, quoi. Qui n’ont plus que l’apparence de la vie… C’est à ce fait, hautement incontestable, que m’a fait penser une tribune récemment publiée dans vos colonnes.
Le brillant analyste à la base de ce qui peut s’appeler un pamphlet, semble n’avoir pas remarqué la dérégulation du marché du travail qui casse, voire broie, nombre de travailleurs et à travers eux leur famille, leurs enfants. Logique puisque sous la plume du philosophe (Philippin ?) se trouve un farouche partisan de l’aveugle main du marché.
Aveugle n’est pas que la main puisque à en lire notre analyste, il n’y aurait aucun rapport entre la détresse que vivent beaucoup de nos citoyens brossés par sa plume légère, et les conditions de vie qu’impose notre société si policée. De même, il a constaté que la consommation de psychotropes avait un rapport évident et systémique avec la taux d’imposition (ciel ma feuille d’impôt, vite un calmant !...), mais bien évidemment aucun avec le rythme de vie, les conditions de travail, les salaires à peine suffisants pour boucler les fins de mois, voire pour survivre chez certains. Aucun rapport non plus, cela crève les yeux, avec l’intense propagande publicitaire qui fait consommer jusqu’à la déroute ces pauvres idiots sans volonté. On s’en étrangle de rire à moins que ce ne soit d’indignation…
Mais pour en revenir à la dévitalisation et sans aller jusqu’au cerveau, je pense que c’est notablement la sensibilité et la connaissance de la souffrance de l’autre qui est dévitalisée chez certains. Car la qualité du verbe ne suffit pas à cacher l’invraisemblable non conscience de ce qui est vécu par nombre de nos concitoyens. Parfois, je fais des rêves un peu fous qui me feront traiter d’adepte du goulag et qui consistent à condamner ces penseurs désincarnés à assister pendant quelques jours – mais toute la journée, pas cinq minutes - à des permanences dans un service de médiation de dette, dans une salle d’attente de CPAS, dans un Relais Santé, dans un abri de nuit, dans un centre Fédasil, de les condamner donc, à la simple écoute de la vie de ces personnes, des problèmes qu’ils exposent, des impasses dans lesquelles ils se trouvent, des demandent qu’ils expriment… Nos censeurs en ressortiraient moins fiers que de leur club de golf…
« Nos jeunes sont dévitalisés, enfin ces jeunes-là Monsieur »…
Mais pas un mot sur les écoles refouloirs qui produisent des prolétaires… « Trop d’enseignants, trop d’Etat, mon brave homme »… Cependant, réponse absente quant à ces familles cassées, à ces citoyens étrangers toujours bons pour les bas travaux, mais jamais dignes d’une politique d’intégration cohérente.
« Nous sommes trop généreux, Monseigneur, ces gens, ces jeunes, sont dévitalisés, sans vie… Il n’y a qu’une solution : vouloir. Si je veux, je peux »… Comme ces milliers de jeunes et de moins jeunes qui viennent nous voir et qui parfois pleurent de chaudes larmes de désespoir. « Il faut vouloir mon brave. On ne vous propose pas de travail ? Mais si, il y en a, cherchez encore, restaurez votre puissance d’agir, respectez-vous vous-mêmes ». Devant les refus, les jobs à cent balles, les mi-temps incertains, les situations familiales kafkaïennes, les loyers indécents dans des logements qui le sont tout autant ; devant ces hommes et ces femmes, encore, dont la langue ne colle pas à celle des employeurs (« Mais parlez correctement, voyons, il suffit d’en avoir la volonté »…) adoptons une voie claire.
Car au fait la solution est simple « Vous avez trop de droits, vous avez trop de moyens, il faut renforcer cette trop faible politique d’austérité ». Bavez-en encore plus mes cocos ! Regardez les grecs : voilà une population magnifique, qui subit la verge sans brocher et qui, soyez-en certains, a la volonté de ne pas stresser, de ne pas déprimer, de ne pas se désespérer. Soutenons l’Eglise grecque et les armateurs contre la volonté de rage taxatoire… Balayons tous ces préchis précheurs du social qui nous racontent que la vie est dure et que les services sociaux n’ont pas les moyens, et avec eux au passage tous les socialistes et leurs semblables. Rationalisons, économisons, jouons à la Bourse. Bref défendons les vraies valeurs, celles que veut cacher l’enquête défaitiste de « Solidaris ».
Discours déshumanisé, dévitalisé lui et en creux que celui-là… Vide du sens de la réalité, sauf sans doute de celle de l’idéologie, cette explication du réel qui vise à en cacher une partie : celle qui nous dérange parce que, justement, nous voulons asseoir d’autres intérêts… Ceux qui sont derrière nos paroles et qui, eux, ne sont pas dévitalisés, mais bien prompts à saisir leur proie…
Discours déshumanisé, dévitalisé lui et en creux que celui-là… Vide du sens de la réalité, sauf sans doute de celle de l’idéologie, cette explication du réel qui vise à en cacher une partie : celle qui nous dérange parce que, justement, nous voulons asseoir d’autres intérêts… Ceux qui sont derrière nos paroles et qui, eux, ne sont pas dévitalisés, mais bien prompts à saisir leur proie…
Claude EMONTS
Président du CPAS de Liège.
Président du CPAS de Liège.
Réaction relayée par ps.be : http://www.ps.be/Pagetype1/Actus/News/Reponse-a-une-carte-blanche-du-Soir.aspx?auteur=none
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