Ainsi donc, le Ministre Labille aurait déclenché une vaste offensive idéologique, unique en son genre, soutenue par ce que la Wallonie compte de plus radical et rouge vif.
Face à lui, ou à eux, se dresserait un patronat – pas uniquement flamand – et les partis politiques qui remorquent ses préoccupations, uniquement défenseurs de valeurs incontestables, attaquées par celui qui, il s'en faut de très peu, n'est pas encore taxé de bolchevique.
De quoi s'agit-il en fait selon nous chez Labille ? D'une tentative de remise en ordre des hiérarchies des valeurs financières, là où l'Etat – le citoyen, en simplifiant – est en droit de demander, d'exiger, des précisions. Ce qui se fait à tant d'autres niveaux (limiter les revenus), doit-il être tu ici, sous l'égide de Bourse la déesse ? Alors que, bien entendu, le vrai propos est en réalité celui d'affirmer que l'Etat ne doit s'occuper de rien de ce qui rapporte des bénéfices sonnants et trébuchants, car il y en a d'autres (l'entreprise, porteuse de toutes les qualités et protectrice, par essence du bien-être de chacun) qui le feraient mieux que lui...
Monsieur Thys, donc, ci-devant futur ex-patron de la poste, est scandalisé des conditions dans lesquelles se sont passées les décisions le concernant, lui et ses revenus de C.E.O, et ne dit rien du contexte dont pourtant il y a beaucoup à dire.... Rappelons pour la forme que ses revenus étaient appelés à passer, après reconduction de son mandat, de 1,2 millions à 650.000 euros – notons au passage, qu'il s'agit quand même d'un revenu brut de 1780 euros par jour, ou encore 74,2 euros l'heure, nuits et jours de congés compris.
Je n'oserais pas comparer ces revenus à ceux que perçoivent la majorité de nos citoyens, sous peine de me faire exorciser sur la place publique, mais je n'en pense pas moins...
Bien entendu, à l'heure de l'argent fou, les mêmes parfois, ou d'autres encore, nous disent pourtant dans d'autres lieux, que celui-ci manque partout et que donc il faut faire saigner les pouvoirs publics, notamment locaux, ceci à tout prix et même à celui de ne plus pouvoir exercer correctement leurs missions.
L'Etat n'aurait pas à s'occuper du monde des affaires, entend-on dire mezza vocce à travers un discours d'indignation collective assez troublant et presque unanime...
Ceci dit, en fait, de quoi parle-t-on ?
D'une part, l'Etat s'occupe bien ici de ses propres affaires, contrat de gestion ou pas. Il n'est sans doute pas inutile de rappeler que « public » dans « entreprise publique » signifie « appartient à la collectivité, via l'exercice du pouvoir par l'intermédiaire de l'Etat ». Et que si ledit Etat joue un rôle dans l'économie via ses entreprise publiques, c'est entre autres choses parce que cette action a un rôle régulateur sur le marché, ce qui - on peut le deviner - ne plaît pas à tout le monde...
Mais ce qui est intéressant en outre, c'est l'opposition qui est faite entre l'idéologie (forcément mauvaise) de Labille et le propos (évidemment bénéfique) des patrons, dont les cris d'orfraie feraient peur au moins impressionné des hommes des cavernes.
D'un côté, l'hydre socialiste et la menace totalitaire, de l'autre celui de la raison et de la "liberté", qui en tant que telle ne se discute bien entendu pas. Avec en toile de fond les commentaires de ce pauvre Monsieur Thys, ce patron inflexible, se plaignant d'avoir été mal traité...
D'un côté, l'hydre socialiste et la menace totalitaire, de l'autre celui de la raison et de la "liberté", qui en tant que telle ne se discute bien entendu pas. Avec en toile de fond les commentaires de ce pauvre Monsieur Thys, ce patron inflexible, se plaignant d'avoir été mal traité...
Lors de mes études, il m'a été donné de retenir notamment une définition intéressante, qui disait à peu près « L'idéologie est un système de pensée qui vise à expliquer le monde en en cachant certains aspects (ceux qui ne nous conviennent pas) »...
Eclairé par cette tentative d'explication d'un mot qui nous est lancé au visage sans autre forme de procès et comme une imprécation, quel observateur neutre (?) ne voit que le patronat en auto-décrivant son plaidoyer comme une "défense de l'intérêt économique supérieur du pays », ne fait en réalité que plaider, sans le dire, lui, et au contraire de Labille, en faveur de cette autre idéologie qu'est le néolibéralisme (je ne parle pas ici du libéralisme historique que connaît la Belgique). Cette idéologie néolibérale dont chacun peut voir qu'elle est en train de fracasser toutes nos valeurs de solidarité et d'Etat social, à l'instar de ce qu'elle a réussi là où elle a eu les mains libres.
Relisons dans cette perspective le programme économique de la NVA, et mettons-le en perspective avec celui des autres partis de droite et du patronat flamand, puis déclinons en mesures concrètes, soit dans le quotidien des gens, ce que cela signifie. Un nirvana pour les uns, le désastre et ceinture pour les autres. On est loin de l'opposition entre l'idéologie castratrice des libertés et une liberté d'entreprendre source de toutes les vertus.
Relisons dans cette perspective le programme économique de la NVA, et mettons-le en perspective avec celui des autres partis de droite et du patronat flamand, puis déclinons en mesures concrètes, soit dans le quotidien des gens, ce que cela signifie. Un nirvana pour les uns, le désastre et ceinture pour les autres. On est loin de l'opposition entre l'idéologie castratrice des libertés et une liberté d'entreprendre source de toutes les vertus.
Et dés lors, demandons-nous ce que nous voulons.... La remise en ordre symbolisée ici par Labille (au niveau des seules entreprises publiques, rappelons-le) ou la société que nous souhaitent ces faiseurs de propos non-idéologiques ?... A chacun son choix, mais en connaissance de cause !
Le gâteau s'élargit au niveau mondial, disent les conservateurs anglais. Et ils n'ont pas tort, puisque le nombre de milliardaires augmente.
Mais pendant ce temps, et pour ne parler que d'elles, les personnes qui dépendent des CPAS, et donc des pouvoirs publics, ne savent plus où regarder devant la catastrophe sociale qui s'annonce.
Alors, Labille et ceux qui le suivent ou la NVA, le VOKA et les commentateurs du bien et du mal ?
Alors, Labille et ceux qui le suivent ou la NVA, le VOKA et les commentateurs du bien et du mal ?
Claude EMONTS
Président du CPAS de Liège.
Carte blanche publiée dans La Libre des 31/12/13 et 1/1/14 (p. 44-45) et dans Le Soir du 3/1/14 (p. 22).
RépondreSupprimerPublié le 6/1/14 sur RTBF.be : http://www.rtbf.be/info/opinions/detail_ideologie-insulte-a-sens-unique?id=8170050
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