Ce 30 janvier 2015 avait lieu à Namur l'Assemblée Générale annuelle de la Fédération des CPAS wallons, qui - faut-il le dire- se déroulait dans une atmosphère empreinte d'émotion.
Encouragés par le soutien de la Fédération wallonne des assistant(e)s sociaux, du Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté (sur les aspects fusion/intégration avec les communes), mais aussi par celles des Directeurs Généraux et des Directeurs financiers de CPAS, nous avions devant nous une salle attentive de plus de 300 personnes.
Il nous fallut commencer par nous interroger sur le fait que lors de la précédente A.G., tenue avant les élections, quatre représentants des partis alors présents au Parlement Wallon, nous aient assurés de leur opposition au principe de cette fusion/intégration.
Quelle ne fut pas notre surprise, dès lors, de constater que la DPR contenait une petite phrase qui, quoique cachée dans l'ensemble, se révélait explosive: la possibilité de fusion sur base volontaire des communes avec leur CPAS...
Nous eûmes beau chercher dans les programmes des deux partis actuellement au gouvernement wallon, nous n'y trouvâmes aucune allusion à cette évolution, à nos yeux contre-productive...
D'où venait donc cette bombe à retardement ? ? ? Et quelle était donc l'urgence qui l'eut justifiée ? Où fut à cet égard la large consultation qu'eut mérité un tel mouvement tellurique ?
Car, il n'est sans doute nul besoin de rappeler que, pour les CPAS et leur fédération, l'autonomie des deux institutions est bel et bien une nécessité destinée à protéger le travail social qui, nous l'avons souvent répété, nécessite la sérénité et mérite le débat apaisé.
Sommes-nous dès lors à ce point enfermés dans une démarche corporative, où chacun se battrait pour sa petite place au chaud ?
Bien entendu, il ne s'agit nullement de cela, mais au contraire -comme l'a dit si joliment la présidente du CPAS de Chaumont-Gistoux, de garder UNE JUSTE DISTANCE entre les dossiers communaux et l'aide/action sociale. Mais une juste distance qui impliquerait un soutien actif des communes dans ce qui est vécu actuellement comme injuste par un personnel mal à l'aise, fatigué, irrité et parfois au bord du burn-out.
Car la charge de travail devient insupportable dans des conditions sans cesse plus mauvaises.
De cet état de fait découle une question centrale: QUELLE EST LA VALEUR AJOUTEE d'un débat importé de toutes pièces où ne sait trop bien d'où (on l'a vu, pas du programme des partis), ni pourquoi (sinon de petits méticuleux calculs comptables)....
POURQUOI CE DEBAT, synonyme de perte de temps, alors que l'urgence -elle - est sociale. Pourquoi pas celui d'une fusion des 4 Ministères wallons en charge d'une parcelle du social, qui pourrait -elle - donner aux CPAS un interlocuteur unique ?
Avant les élections et avant "LA" phrase, tant dans notre mémorandum que plus tard face aux formateurs, nous avons réclamé UN PLAN MARCHAL SOCIAL qui viendrait répondre à la pauvreté qui rampe, et à la grogne qui monte ? Au désespoir qui fleurit et qui est potentiellement porteur de catastrophes...
Rien nous a répondu l'écho...
Nous avions pourtant expliqué que, face aux sanctions/exclusions du chômage, pointaient les fins de droits, toutes ces mesures s'ajoutant à la masse déjà considérable des demandeurs de Revenus d'Intégration et d'Aide Sociale, jamais complètement financés - bien entendu...
Nous avions pourtant suggéré un plan wallon de remise au travail, via le mécanisme de l'Art.60 et 61, de personnes qui auraient pu être mis à la disposition des communes et des associations reconnues pour leur utilité sociale...
Nous avions évoqué l'organisation sur une grande échelle de cours de français pour la population immigrée, très demandeuse...
Nous avions abordé le thème des compétences non légales des CPAS, mais oh combien vitales comme les services de maintien à domicile ou encore les MR/MRS...
Rien là non plus, ou si peu.. Et pourtant de ces êtres humains, il faudra bien s'en occuper ! ! !
Mais au contraire nous répondit une crispation sur un changement de structure ne menant à pas grand chose. Parce qu'au fond que nous dit-on ?
Fort bien, mais à ces économies nous ne sommes nullement opposés, pour autant que soit préservé l'essentiel.
Nous sommes, et nous le montrons, POUR les synergies avec les communes. Nous sommes POUR des rapprochements - quand ils sont logiques, entre des services ouvriers, des archives, informatiques, POUR un service commun des marchés publics, POUR quand c'est possible un bâtiment commun, POUR un service du personnel commun pour autant qu'aient été prises en compte les multiples différences entre les deux métiers.
Mais ces mouvements là, nous les souhaitons placés sous deux lignes hiérarchiques organisées intelligemment, et DANS L'INTERET DES DEUX INSTITUTIONS.
Nous sommes si peu opposés aux changements que nous en proposons nous-mêmes, pour autant qu'ils aillent dans le sens de l'intérêt des personnes. Nous proposons entre autres d'évoluer dans l'autonomie vers des coopérations entre CPAS, via par exemple un mécanisme appelé Chapitre XII et qui regroupe des institutions publiques et des associations.
Via des clusters (regroupements de CPAS) ou en faisant des CPAS les ensembliers de la politique sociale de la commune, comme Charleroi ou Mons en font actuellement l'expérience.
Nous réclamons, en tous les cas, et cela va dans le sens des bassins de vie défendus par le Ministre Furlan, une définition claire du territoire PERTINENT qui, en matière de pauvreté et d'action sociale, n'est nullement celui de la commune...
A toutes ces réflexions, nous répond un débat sur les structures alors que nous n'avons nul besoin de DESTRUCTION , mais bien d'INNOVATION SOCIALE.
Enfin, pour terminer, il convient sans doute de pointer l'évolution flamande qui, dès 2019 intégrera tous les CPAS dans les communes... Qui ne voit que l'étape suivante sera celle de dénoncer le financement fédéral de l'aide et d'une partie de l'action sociale, pour les recentrer sur les communes puis contester à la Wallonie et à Bruxelles le droit d'en bénéficier ? A nouveau, ce seront les plus pauvres qui en feront les frais...
Il est permis dès lors de se demander qui, alors, aura été grugé ?
Claude Emonts,
Président de la Fédération des CPAS de Wallonie.