Il m’est
souvent arrivé d’évoquer les heurts et malheurs des CPAS et, hélas, les jours
et semaines qui s’annoncent ne vont pas me permettre de baisser la garde à ce
propos.
Or, comme
s’il ne suffisait pas que je sois soumis à une lourde incertitude relative à un
point précis de l’évolution de l’aide sociale dans notre région (j’évoque bien
entendu les exclusions/sanctions/fins de droits des chômeurs), me voici face à
un tournant dont je ne suis pas certains qu’il va dans le sens de l’intérêt
général.
En effet,
chacun sait – ou du moins qui cherche à savoir - que le futur des CPAS en tant
qu’institutions autonomes s’inscrit désormais en pointillés d’incertitudes…
Ce qui
n’est en rien rassurant, c’est que divers éléments viennent contredire la
sérénité que l’on voudrait ressentir quand on réfléchit à l’avenir d’une
institution qui plonge ses racines dans les tréfonds de notre histoire et qui,
toujours, a joué un rôle essentiel dans ce que l’être humain doté de conscience
sociale considérait à chaque époque donnée comme un devoir d’humanité.
Confrontés
à l’égo de trop nombreux décideurs, et
au désir d’hégémonie de certains , le CPAS se révèle en nos jours de grands
calculs être un gêneur.
TONNERRE
DE BREST ! s’énervent certains,
il y aurait donc sur le territoire de MA commune un endroit où je ne serais pas
celui qui, seul, décide ? Et où
je n’exercerais QUE tutelle, alors que les coûts engendrés par cette institution
sont à ce point élevés ?
Ce ne
serait encore qu’un moindre mal si cette attitude tellement humaine trouvait
face à elle une conscience active, prête à se battre, à argumenter, non certes
pour conserver telle quelle une institution qui comme chaque œuvre humaine doit
s’adapter à son temps, mais pour justement la faire évoluer dans son époque en
préservant ce qui en fait l’essence et la pertinence : la capacité de se prémunir des tempêtes des luttes d’influence. Or, s’il
est vrai que quelques voix sont audibles, elles sont surtout noyées au milieu
d’une indifférence bien plus grande d’une partie des décideurs, et surtout d’une ignorance qui frappe, qui peine, voire qui fâche.
Sans
compter, bien entendu, cette indicible douleur que ressentent beaucoup de ceux
qui doivent franchir les portes de notre vieille maison et qui en éprouvent
honte et remords, alors que l’image vieillotte qui y est attachée est très
largement dépassée et que le CPAS est aujourd’hui une institution moderne au
service des gens. Il nous reste, c’est
certain et souhaitable, une mission de contrôle, mais c’est loin d’être
l’essentiel de notre rôle sociétal.
Il faut
croire que ce sont tous ces éléments qui font que la lutte contre la pauvreté
ne nourrit pas l’imagination de son décideur… ou qu’elle l'éloigne de ses
préoccupations mieux en cour.
Or, il y a
une évidence dont j’ai déjà souvent dénoncé l’absurdité et l’injustice sans
guère d’écho enthousiaste : le mode financement des CPAS.
Comment réagirait, par exemple, le décideur moyen si demain, la santé
des plus pauvres de nos concitoyens venait à être à charge communale pour 45 ou
30% ?
C’est pourtant bien ce qui
se passe avec le Revenu d’Intégration… Quelle est donc la logique de ce mode de
financement qui, nous l’avons tous souvent dénoncé, fait payer aux communes les
plus défavorisées le coût d’une lourde
partie de la pauvreté ? Et qui,
par ricochet, donne à ceux que l’existence des CPAS contrarie, un argument en
or massif pour fustiger « leurs » dépenses…
J’ai
longtemps réfléchi à cet état de choses, et à l’heure de la grande tentation
d’une intégration des CPAS dans les communes (ce qui revient à faire
disparaître à terme ce qui en fait l’originalité, soit l’autonomie et le
huis-clos qui sont les garanties du droit des personnes qui en dépendent), je
me pose une question fondamentale.
Quoi que
l’on fasse, tant que l’inique financement du Revenu d’intégration sera ce qu’il
est aujourd’hui, le déficit sera inévitable à moins d’une très utopique et
magique suppression de tout ou partie de la pauvreté. Et donc demain, si le
CPAS est intégré à la commune, ce sera cette dernière qui en direct devra gérer
le trou béant dont aujourd’hui elle se plaint si amèrement.
Je me pose
dès lors la question de l’assiette fiscale sur laquelle doit reposer la
solidarité, ou à tout le moins la politique visant au colmatage des trous les
plus voyants du consensus social. Sachant que les centres villes attirent toujours et partout la
pauvreté, entre mille autres choses, je me demande s'il est juste et
tenable que le centre paie en partie ce que la périphérie ne veut pas et ne
paie pas. » Ne devrions-nous pas réfléchir à une assiette
fiscale plus large, qui au minimum, aurait la taille d’un
arrondissement ou d’une province, avec les conséquences institutionnelle que
cela impliquerait ?
Oh,
certes, j’entends déjà tous les municipalistes hurler. Pour en être un
moi-même, je ne pose pas cette question de gaieté de cœur et préférerais
d’ailleurs une évolution du problème plus conforme à nos habitudes*… Mais
enfin, entre d’une part une solution en faux-semblant qui ne résoudra rien sur
le long terme, mais détruira au contraire un acquis essentiel, et d’autre-part une prise de
conscience de l’iniquité d’un système et des conclusions qu’il convient d’en
tirer, n'avons-nous pas simplement le DROIT de poser la question et de la
mettre en débat ?
Un CPAS logé ailleurs qu’au niveau communal,
financé autrement, mais gardant bien entendu un ancrage local, commune par
commune, ne serait-il pas plus juste et donc plus efficace ?
Claude Emonts.
Claude Emonts.
Président
du CPAS de Liège.
*C'est-à-dire
un CPAS autonome dans une synergie bien
comprise avec la commune, à savoir un regroupement des services supports dans
ce qu’ils ont de commun et en respectant bien les particularités des différents
métiers. C'est-à-dire aussi le respect du principe du décideur-payeur, selon lequel celui qui vote les lois supporte les conséquences
financières qu’elles engendrent.
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